septembre 9, 2020

LA RELANCE DES GRANDS PROJETS INDUSTRIELS. Par Pascal Salin. 10.01.2000

Par admin-intdoc



Opinion sur la relance des grands projets.

On la croyait reléguée au rang des souvenirs, la belle époque des «filière bois», du «plan calcul», et autres gadgets qui ont fait les délices des hommes politiques avec ces dinosaures du centralisme et du nationalisme économique mais qui ont coûté si cher aux contribuables français… mais non ! C’était oublier l’extraordinaire capacité française à cultiver l’exception française grâce à l’alliance des dirigeants politiques et de quelques grands patrons avides de subventions publiques au nom d’un prétendu intérêt national.

Il en est ainsi des affaires Alstom ou Aventisla création de l’Agence pour la promotion de l’innovation industrielle pour un certain nombre de projets considérés comme «porteurs d’avenir». Cette création est caractéristique de l’illusion entretenue dans toutes les économies planifiées. Elle suppose qu’il existerait un certain nombre de technologies efficaces appelées technologies de pointe ou technologies du futur, que des experts indépendants seraient en mesure d’identifier et sur lesquels l’Etat devrait investir en priorité, en prenant notamment en charge une grande partie des dépenses de recherche-développement.

Or procéder ainsi revient à substituer une approche purement technique à une approche économique, cette dernière étant pourtant la seule qui ait véritablement du sens. En effet, d’un point de vue purement technique, on peut toujours développer une technologie dans un domaine plutôt qu’un autre et, en y mettant les moyens humains et financiers nécessaires, on obtiendra forcément un résultat, ce qui incitera à se féliciter du succès (technique) du projet ainsi développé. Mais les prouesses techniques ne justifient pas, à elles seules, l’utilisation des ressources qui ont été consacrées à ce projet. Or il existe une grande différence entre ces experts et les vrais innovateurs, à savoir que, contrairement aux seconds, les premiers sont irresponsables, en ce sens qu’ils ne supportent pas eux-mêmes les conséquences de leurs choix et les risques qu’il faut prendre comme l’atteste le fait même qu’ils sont indépendants, c’est-à-dire libres de faire des erreurs.


Certes, l’Agence ne supportera que la moitié des dépenses de recherche-développement, le reste étant laissé à la charge de l’entreprise dont le projet aura été sélectionné. Mais il n’en reste pas moins que l’on biaise les choix technologiques et économiques en faussant le calcul économique des entrepreneurs. Il se peut en effet que le développement d’une technologie apparaisse rentable, alors qu’il ne le serait pas en l’absence de subventions. Par ailleurs, les subventions étant prélevées sur les contribuables, elles diminuent les ressources disponibles pour les autres activités. La politique industrielle est ainsi frappée d’un terrible biais : elle consiste à aider un petit nombre de grandes entreprises, aux dépens d’une masse immense, active et souvent innovatrice, de petites entreprises. Il y a en effet un cycle dans la vie des entreprises. Elles commencent à petite échelle et, si elles sont suffisamment innovatrices, elles vont grandir. Certaines des meilleures d’entre elles deviendront de grandes entreprises. Si l’on veut vraiment parier sur le futur, c’est vers de plus petites entreprises, fortement innovatrices, qu’il conviendrait de regarder.

Les entreprises françaises n’ont pas besoin d’une bureaucratie supplémentaire, de prélèvements supplémentaires, de subventions supplémentaires. Elles ont tout simplement besoin de plus de liberté. Parce qu’il existe un retard économique français inquiétant, c’est dans cette voie qu’il faudrait s’engager d’urgence et vigoureusement au lieu d’accroître indéfiniment la présence envahissante de l’Etat sous toutes sortes de prétextes fallacieux.